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Le digital : un air de déjà-vu ?

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DSI-digitalPar sa résilience et sa capacité d’adaptation, la DSI a su intégrer les nouvelles technologies au système d’information. Et cela depuis des années. Le digital n’est pas son premier changement de fond. Il s’inscrit dans une suite de ruptures survenues depuis près de trente ans. Retour vers le passé pour en esquisser un historique, avec Didier Pompigne, DSI de Sonepar France.

Digital : nouvelle révolution

Le digital recouvre un ensemble de technologies innovantes comme le Cloud, la mobilité, les données de masse, les réseaux sociaux, les objets connectés. Récentes, elles changent les manières de travailler, rompent avec les anciens modèles d’affaires. Le digital évoque la révolution, la rupture, la disruption.

Les DSI (direction du système d’information) ont déjà vécu ce genre de changement et s’y sont adaptées. Comment ? Par leur capacité à intégrer les innovations et non pas à les rejeter. Si, aujourd’hui, ce changement est important et multiple, il présente des similitudes avec les précédents.

Mainframe : la fin d’un règne

Jusqu’au début des années 1980, les mainframes règnent sans partage. Autour de ces ordinateurs centraux, gros comme des armoires, se construit le système d’information (SI). Puis, arrivent les mini-ordinateurs.

Pour les Métiers, c’est un grand changement. D’après les fournisseurs, ils ont la possibilité d’avoir une informatique spécifique par département, par service, indépendante de leur DSI. Les voilà libres de faire de la production, de la finance en se passant de la DSI.

A l’époque, la DSI considère ces nouvelles technologies comme une partie du SI. Son enjeu est de relier les mini-ordinateurs et de constituer, autour du mainframe, un système intégré. Un système intégré implique un référentiel de données, qui irrigue l’ensemble des systèmes, et des interfaces, qui assurent les échanges.

Et l’informatique débarqua à la maison

Le deuxième changement est le plus connu. A partir de la fin des années 1980, les ordinateurs personnels, ou PC, trônent peu à peu sur tous les bureaux, partout, même à la maison. Désormais, chaque utilisateur a une informatique personnelle et spécifique. Le discours dominant prétend que de nombreuses activités (bureautique, graphisme, édition) peuvent s’exécuter, là encore, détachées de la DSI.

La DSI doit changer. Afin de reprendre la gestion de ces PC, elle considère qu’il fait partie du périmètre du SI. Aujourd’hui, plus aucune DSI ne prétend le contraire. Mais à l’époque, ce n’était pas si évident.

ERP : gestion processus

Au cours des années 1990, les grands cabinets de conseil et éditeurs de progiciels affirment aux directions générales que leur informatique spécifique est obsolète. Il faut donc la changer. Ils proposent de nouveaux systèmes standardisés, les ERP (entreprise ressource planning). Avec comme promesse : gérer l’intégralité de l’entreprise autour de processus informatisés.

Ces grands cabinets et éditeurs vendent et installent leurs technologies sans la DSI ou contre elle. Comme les deux fois précédentes, cette dernière intègre ces technologies dans son périmètre. Et maintenant, les ERP en font sans conteste partie.

Internet : commercer autrement

Quatrième changement : Internet. Les entreprises l’adoptent à la fin des années 1990. Des start-ups promettent de vendre autrement, de rompre avec les anciennes pratiques du commerce. C’est une véritable rupture. L’emballement est considérable, parfois irrationnel, jusqu’à l’éclatement de la bulle le 13 mars 2000.

Une nouvelle fois, les Métiers considèrent que la DSI ne maîtrise pas Internet. Le e-business et le réseau n’étant pas de son ressort, ils doivent être gérés à côté de la DSI. Une nouvelle fonction apparaît : le responsable e-business. Au lendemain de la bulle, le commerce électronique se stabilise et se structure. Les responsables e-business intègrent les directions commerciales ou marketing tandis que les technologies web incorporent le SI.

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Le digital s’inscrit dans une succession d’innovations technologiques.

Ça change, mais ce n’est pas le tout ou rien

Adopter et interconnecter des technologies au SI afin de construire un système intégré et intègre, tel est l’enjeu permanent de la DSI. Mais, les défis sont tous différents, parce que les technologies sont différentes. In fine, elles font évoluer les modèles d’affaires des sociétés.

Les mini-ordinateurs. Ils ont étendu l’informatique à toute l’entreprise. Grâce à eux, des domaines qui n’étaient pas informatisés à l’époque ont pu l’être.

Les ordinateurs personnels. Avec le PC, tout le monde s’est mis à l’informatique. Qu’on pense à la bureautique : on a délaissé le papier et le crayon pour l’écran et le clavier.

Les ERP. Ils ont permis de travailler en flux et sous forme de processus. On a pu faire du reporting avec des outils d’informatique décisionnelle bien plus pointus qu’auparavant. Les gains de productivité ont été énormes.

L’Internet. Il a lancé l’e-business. Hors le Minitel, ça n’existait pas avant. Il est devenu un élément fondamental pour les échanges commerciaux et économiques avec le monde entier.

Le Cloud et les applis. Ils offrent des solutions standards qu’une entreprise peut utiliser rapidement. Ces solutions ont une plus grande vitesse de déploiement. Elles sont accessibles depuis n’importe où, à n’importe quelle heure et à partir de tous les terminaux. Auparavant, on travaillait sur un ordinateur dédié, avec des solutions spécifiques, et depuis l’entreprise. C’est un changement, les barrières de temps et de lieux sont tombées, il n’y a plus de support.

L’Internet des objets. Encore balbutiant, il apporte sa propre rupture. Pas nécessairement pour la DSI, mais pour les modèles d’affaires. Les fournisseurs de service autour des IoT (Internet of Things) peuvent prendre la main sur une partie de la valeur ajoutée des circuits de distribution.

Digital et permanence des idées reçues

Les fournisseurs de ces technologies tiennent aux Métiers un discours défavorable à la DSI. C’est une constante. Sous l’argument qu’elle ne maîtrise pas ces technologies, les Métiers peuvent s’en emparer, les installer et les développer sans elle.

Certes la DSI ne maîtrise pas toutes les nouvelles technologies, mais pour un temps seulement. Rapidement, elle se les approprie, les utilise, embauche des experts.

Quant à l’autonomie des Métiers, c’est une idée reçue. Ces technologies sont pointues et les demandes des Métiers de plus en plus spécifiques. Pour intégrer, paramétrer, déployer, sécuriser et faire évoluer ces outils, avec de tels niveaux d’exigence, rapidement ils font appel à la DSI. Avec le danger de la cantonner au rôle de techniciens et de pompiers de service.

Rupture du digital

Néanmoins, l’entreprise construite autour du SI est une nouveauté. Plus réactive, présente sur le Web, elle bénéficie d’un réseau mondial. La qualité supérieure de ses outils et de ses processus est une constante. Avec le mobile, les salariés accèdent au SI et les clients interagissent avec elle, de n’importe où. Ses capacités sont fondamentalement différentes d’une société traditionnelle.

Au contraire, une entreprise traditionnelle considère le SI comme un outil au service de ses Métiers et la DSI comme un centre de coût. Elle intègre plus ou moins ces nouvelles technologies et modèles d’affaires. Mais tout en maintenant les bases des organisations et les modèles précédents. Elle se repose sur la qualité de ses employés et sur leur réactivité aux événements. Mais sur le Web, ce ne sont plus les hommes qui interviennent mais des outils et des processus automatisés performants. C’est une grande différence.

En distribution par exemple, un client devait auparavant se rendre à une agence ou un magasin, puis il a eu recours au Fax, au téléphone, au Web. Maintenant, il utilise son smartphone n’importe où, un chantier, un hôtel, 24/24, presque 7/7. Une occasion pour les sociétés d’étendre leur zone de chalandise.

Actuellement mieux adaptées, les entreprises nouvelles s’intéressent à des niches, jouent la carte de la désintermédiation. Les entreprises traditionnelles se demandent comment faire front à ces sociétés très structurées autour du SI.

La concurrence sera rude !