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Hégémonie des plateformes : comment en tirer parti ?

Jeune femme devant plateforme e-commerce avec son smartphone

Les plateformes ont bouleversé notre économie, photo : Liza Summer/Pexels

Strategie digital CEOLes plateformes ont établi leur hégémonie en quelques années. Elles ont réussi à imposer leurs standards techniques et commerciaux. Et elles ont bouleversé notre économie : nouvelles pratiques de consommation, dépendances, innovations marketing et publicitaires. Mais nous pouvons en tirer parti. C’est ce que nous explique Jean-François Detout, directeur scientifique à Skema Business School et consultant en développement de projet digital. Résultat de nos échanges.

Une hégémonie fondée sur les usages et des standards

L’hégémonie des plateformes s’est construite en s’adaptant aux usages des Internautes. C’est leur coup de génie. Amazon comme Facebook facilitent la vie de leurs utilisateurs en simplifiant tous les processus. Ergonomie, design, nombre de clics : tout est pensé pour qu’un visiteur parcoure le site de manière simple, fluide et facile .

Tant et si bien que tout le monde s’est habitué au design et aux processus des trois ou quatre plateformes les plus populaires. Ce sont elles qui donnent le la. Les internautes s’attendent à retrouver les mêmes boutons, les mêmes icônes, le même parcours sur tous les sites.

Les lois de la familiarité en UX design reflètent d’une certaine façon ces pratiques. Elles recommandent d’utiliser des icônes à la symbolique connue de tous, des emplacements de boutons précis, d’avoir une interface intuitive, etc. C’est ce qu’on appelle l’apprentissage interne.

Les plateformes ont réussi également à uniformiser les comportements des clients digitaux, à forger des habitudes, à imposer des pratiques commerciales. Le retour du produit, la livraison rapide, la facilité de paiement sont désormais généralisés et attendus. Elles ont ainsi étendu leurs standards au secteur du e-commerce.

Enfin, leurs interfaces uniformisées sont destinées à toutes les entreprises. Il n’y a pas de barrière à l’entrée. Une grosse PME comme un artisan peuvent vendre sur Amazon des vêtements comme du matériel électrique. De même, tous les commerçants peuvent communiquer sur Facebook et Instagram. On est à la fois client et usager.

L’hégémonie des plateformes est difficile à concurrencer

Par conséquent, une entreprise qui lance sa plateforme ne peut plus recréer ou changer ces habitudes, imposer ses façons de faire. Il est trop tard. Ces standards se sont mis en place au fil des années. Si elle ne les suit pas, elle aura du mal à percer.

En effet, les consommateurs se limitent à trois ou quatre plateformes. Pourquoi en utiliser une nouvelle ? Ils ne le feront qu’à reculons. S’habituer à une nouvelle plateforme demande une création de compte, un certain risque, un temps de prise en main, de nouvelles compétences et de nouveaux usages. Pourquoi le faire ? Il se peut qu’elle n’existe plus dans deux trois ans ou que son développement ne soit plus assuré.

On peut certes le regretter. Mais remarquons que les entreprises classiques n’ont pas su s’adapter aux usages digitaux de leurs clients. Les secteurs de l’hôtellerie, du tourisme, du commerce ont regardé le train passer. Et ils en ont fait les frais : leur modèle d’affaires dépend désormais en grande partie de Booking, TripAdvisor ou encore Amazon. Le verbe « ubériser », qu’inventa Maurice Levy, résume parfaitement cette situation .

Trois jeunes filles regardent leur smartphone

Des pans entiers de notre vie passent par les plateformes, photo : Jessica Ticcozzelli/Pexels.

La data dépendance : la force des plateformes

 L’hégémonie des plateformes vient aussi des masses de données des consommateurs qu’elles possèdent. En les analysant, elles anticipent ainsi leurs besoins et y répondent rapidement. Cette connaissance client, les entreprises classiques ne la possèdent plus. Désormais, elles dépendent des plateformes pour l’avoir.

Cette perte de souveraineté est un débat maintenant ancien. Elle s’étend à bien des secteurs : technologies, commerce, médias, marketing, publicité. Il ne s’agit pas uniquement de données mais aussi d’algorithmes, d’infrastructures informatiques, de logiciels. La Google dépendance pour la publicité sur les moteurs de recherche en est l’exemple le plus connu.

Pour autant, les plateformes représentent un canal majeur de développement commercial, d’acquisition de clientèles pour les e-commerçants, pour le tourisme, etc. Elles sont même devenues un passage obligatoire. Les entrepreneurs, les managers doivent donc reprendre la main sur les plateformes.

Gagner en autonomie pour s’émanciper de l’hégémonie des plateformes

Alors ? Comment faire ? Quelle stratégie digitale un entrepreneur qui veut lancer un projet digital peut-il adopter ?

Parier sur l’autonomie de son site

Jeff Bezos a inventé ce concept à la fin des années 1990. Il signifie que l’internaute réussit 100 % d’une transaction seul, depuis la recherche sur les moteurs de recherche jusqu’à la livraison.

En outre, sur son site, on crée son propre contenu. Il est certes à actualiser régulièrement mais il demeure pérenne. D’où l’importance du SEO et du owned content, tel que le décrit le modèle POEM.

Développer ses propres données

La data de qualité risque de se raréfier et de coûter plus cher. La cause ? La fin des cookies tiers, mais aussi le RGPD, le server-side.  Les solutions techniques existent, mais elles ont un coût et restent aux mains de spécialistes. Il faut donc miser sur sa propre base de données clients acquise et exploitée sur son CRM.

Par conséquent, il faut détenir le maximum de data. A cette fin, il est important de placer au centre de son dispositif marketing son site internet autonome et son CRM.

Et vous, comment faites-vous pour vous émanciper de l’hégémonie des plateformes ?