Management

Comment construire un modèle d’affaires durable ?

Le modèle d'affaires durable

Elaborer un modèle d'affaires durable est un signe d'engagement pour notre environnement, photo : Markus Spiske/Unsplash

Concevoir un modèle d’affaires durable devient une nécessité pour les entreprises. Les obligations réglementaires de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) les y poussent. Les Objectifs du développement durable les y incitent. Les consommateurs et les citoyens l’exigent. Plusieurs business model durables existent. Ils donnent un cadre stratégique et décisionnel aux organisations qui désirent prendre part à la construction d’un monde durable. Nous en explorons ici trois.

Les ODD comme fondement d’un modèle d’affaires durable

Afin de bâtir son modèle d’affaires durable, Patrick Humières, fondateur d’EcoLearn, propose de prendre comme référent les Objectifs du développement durable (ODD). Les ODD présentent l’avantage d’être mesurables. Une organisation peut tout à fait quantifier l’eau qu’elle gaspille, l’énergie qu’elle consomme, les déchets qu’elle recycle. A partir de cette quantification, elle calcule sa contribution positive ou négative à un des ODD.

Pour Humières, un modèle économique est durable si l’entreprise fait évoluer un des ODD plus vite que sa propre croissance. Plus précisément : « On dira donc d’une entreprise que son modèle est durable, selon qu’elle diminue effectivement ses impacts négatifs plus que sa croissance d’activité et qu’elle augmente ses impacts positifs plus ou autant que la croissance de ses revenus. »

Humières a par ailleurs créé quatre indicateurs : Loyauté, Equité, Accessibilité, Découplage. Ces derniers agrègent les ODD, et permettent aux responsables de piloter la « trajectoire durable » de leur organisation.

L’intérêt de cette démarche est qu’elle repose sur des objectifs quantifiables, reconnus et scientifiquement prouvés. Elle permet à une entreprise de mesurer ses apports négatifs ou positifs aux ODD et à devenir écoresponsable. Elle dépasse ainsi le déclaratif et repose sur des chiffres.

Construire son modèle d’affaires responsable

L’université de Laval au Québec a élaboré une matrice de modèle d’affaires responsable. Les chercheurs se sont inspirés du Business Model Canvas d’Osterwalder et Pigneur. A ses neuf composantes, ils en ajoutent de nouveaux comme la Gouvernance, les Retombées positives et le Retombées négatives, ainsi que Mission, vision et valeurs, etc.

Cette dernière composante est la plus fondamentale. Elle appelle les entrepreneurs à prendre en compte, dès la création de leur société, les exigences économiques, sociales et environnementales de l’économie durable. Elle assure la cohérence du projet tout au long de son existence. Par là, elle sert de guide à toutes les décisions et orientations futures.

Les Retombées négatives et positives partent de l’idée que nécessairement une organisation produira des effets négatifs sur notre environnement. Ces composantes mettent en lumière les éléments sur lesquels agir de sorte que les Retombées positives soient supérieures aux Retombées négatives.

C’est en effet un des buts à atteindre : comment mes activités peuvent-elles être positives pour mon environnement ? Cette réflexion doit être conduite au moment de remplir chaque composante du modèle d’affaires responsable. Elle amène à se poser des questions sensibles. Par exemple pour la Gouvernance : comment le pouvoir se répartit, comment les bénéfices sont-ils distribués et à qui ? Lors du choix de ses Ressources clés, quels fournisseurs choisir ? Celui qui respecte le plus l’environnement ? Et si le fournisseur clé de mon entreprise était un climatosceptique notoire, comment faire ?

Ces questions sont d’ordre éthique et économique, elles soulèvent des enjeux aussi bien sociaux qu’environnementaux. Aborder franchement ces sujets stratégiques, dont les conséquences touchent notre environnement social et naturel, est un des mérites de ce business model.

Il cherche également, à l’instar du business model de Humières, à apprécier les conséquences des activités d’une entreprise. En analysant ses Retombées positives et négatives, il est en effet possible de mesurer sa durabilité.

Modèle d'affaires responsable

Le modèle d’affaires responsable de l’université de Laval au Québec.

Le compte de résultat environnemental : l’apport de l’analyse financière

La finance et la comptabilité sont des éléments fondamentaux d’un modèle d’affaires durable. La mise en place d’un compte de résultat environnemental est en ce sens une démarche intéressante. C’est celle qu’a adoptée le groupe Kering, d’autant plus innovante que les données sont en libre accès.

L’Environmental Profit and Loss (ou EP&L) en anglais, présente la particularité de mesurer cet impact environnemental sur toute la chaîne de valeur : approvisionnement, fabrication, distribution. Les externalités positives et négatives sont donc prises en considération. Le compte de résultat environnemental calcule les émissions de gaz à effet de serre, la pollution de l’air, la pollution de l’eau, l’utilisation des terres et la production de déchets. Le tout est converti en valeur financière.

Cette information comptable met en exergue les points à réviser afin que l’entreprise améliore son impact environnemental. En cela, il constitue un outil d’aide à la décision et il donne des orientations stratégiques pour son développement économique et les relations avec ses parties prenantes.

D’autres modèles de comptabilités sociétales et environnementales ont vu le jour. La DFCG et le CSOEC en ont dressé un inventaire commenté. Il souligne que les milieux de la finance, les investisseurs, deviennent sensibles aux répercussions environnementales. Quand une organisation cherche un financement, il est désormais courant que les analystes regardent si elle s’inscrit dans une démarche durable. En adoptant une certification par exemple.

Ces modèles d’affaires durables donnent des cadres de décision et d’action stratégique aux entreprises. Ils quantifient, chiffrent, mesurent les conséquences positives ou négatives de leurs activités. En se fondant sur des faits et des chiffres, ils dépassent les bonnes intentions. Et placent les sociétés devant leurs responsabilités.

Et vous, avez-vous adopté un modèle d’affaires durable ?