Les banques en ligne sont un acteur majeur de la transformation digitale de la bancassurance. Si les consommateurs ont plébiscité leurs facilités d’utilisation, leur organisation et leur stratégie restent plus fragiles. Fragilités que devraient exploiter les néo-banques. Cédric Coiquaud, fondateur de Appi solutions, nous présente les nouveaux enjeux de ce secteur. Résultat de nos échanges.
Le choix des banques en ligne
Les banques en ligne sont apparues dans les années 1990. Depuis, plusieurs banques traditionnelles (Société Générale, BNP Paribas, Crédit Agricole, Crédit Mutuel Arkéa, AXA, BPCE…) ont lancé leurs banques en ligne (respectivement Boursorama, Hello Bank, B4Bank, Fortunéo, AXA Banque, Fidor…). Concurrentes de leurs réseaux d’agences, elles sont en rupture avec leur organisation traditionnelle.
Ces nouveaux établissements se caractérisent par l’accent mis sur la communication, la mobilité et la facilité d’accès. Les clients ont salué les avantages des banques en ligne. Ils consultent leurs comptes, effectuent leurs virements ou toutes autres opérations 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, sur leur mobile.
Choisir la banque en ligne s’est avéré une stratégie gagnante pour beaucoup. Toutefois, chez certaines l’expérience client est à la peine. Tandis que d’autres (parfois les mêmes) conservent des coûts de structures élevés.
L’héritage des premières digitalisations
Les banques en ligne héritent des premières tentatives de digitalisation des banques. La première étape de ce mouvement a été la création d’un site internet et la mise en place d’une gouvernance organisée sur ce nouveau canal de distribution. Dans un second temps, certains établissements y ont ajouté un canal mobile. Cependant, cette première vague d’applications mobiles n’a pas obtenu les résultats attendus, et cela pour plusieurs raisons.
D’abord, leur legacy était incompatible avec les technologies mobiles. Par ailleurs, étendre leurs core banking systems, c’est-à-dire un système informatique ancien et monolithique (souvent à base de Cobol), à ce nouveau média mobile a échoué.
Ensuite, elles ont souvent développé un système de « sas » spécifique. Le but était d’introduire de la souplesse pour le client sans toutefois détruire les systèmes et infrastructures historiques. Cette tactique leur a permis de ne pas se faire distancier par de nouveaux acteurs de la Fintech, qui émergent ces derniers mois. Malgré tout, elle les a obligées à une gestion multicanale qui a entraîné une hausse des coûts informatiques. En effet, dans une telle architecture fonctionnelle, les coûts augmentent proportionnellement au nombre de canal.
Enfin, elles n’ont pas su satisfaire les besoins de leurs clients finaux ni être à leur écoute.
L’âge d’or des banques en ligne ?
Les banques en ligne rattrapent ces défauts. Les consommateurs les ont adoptées. La preuve : l’augmentation des flux vers ces établissements en mars 2017 est significative. La hausse des nouveaux prospects est de 20 % pour les meilleurs acteurs. Une projection de ce taux signifie qu’elles franchiront la barre des 10 % de part de marché dès cette année.
Un second effet doit être pris en compte, moins visible, mais plus important : les liquidités, qui restaient domiciliées dans les banques traditionnelles, commencent à migrer vers les banques en lignes. Les banques traditionnelles réagiront certainement à cette tendance.
Les banques en ligne vivent-elles aujourd’hui leur heure de gloire ? Leur courbe d’acquisition est flamboyante, leur attrition client quasi nulle, leur socle de clients rentable, et au lieu d’avoir des réclamations, elles reçoivent des conseils de fans.
La stratégie de développement des banques en ligne est à double tranchant
Pour autant, la stratégie de développement de certains produits est à double tranchant. En sélectionnant un produit plutôt qu’un autre, les banques en ligne gagnent en simplicité d’organisation. Elles standardisent leurs approches et n’ont à gérer qu’une seule génération de produit. Elles maîtrisent également leur niveau d’exposition au risque et restreignent le segment de clientèle et les services associés. Concrètement, une banque en ligne ne proposera par exemple pas de carte à débit différé, ni de services à destination des mineurs.
L’exposition au risque est moindre, mais l’appétit du marché peut l’être aussi. Proposer une gamme de produits et services incomplets freine l’acquisition client. Par exemple, l’absence fréquente de crédit immobilier contrarie certains particuliers qui, en conséquence, n’y domicilient pas leurs revenus.
En outre, leur gamme de produits et services n’est pas au niveau des banques traditionnelles. Par exemple, ING Direct lance son crédit immobilier cette année, et les premiers retours clients sont mitigés ; certains ajustements opérationnels restent nécessaires. En interne, la rentabilité du produit reste incertaine à ce stade.
Enfin, les banques en ligne n’atteignent toujours pas le minimum requis par leur clientèle, car :
- leurs frais bancaires sont élevés ;
- les démarches sont complexes, longues et intrusives ;
- la non-qualité des services aux clients est élevée ;
- la qualité du relationnel reste modeste.
Les banques en ligne dépendent-elles des banques traditionnelles ?
Le pari de ces banques en lignes n’est donc pas gagné. Beaucoup d’entre elles restent fragiles à cause d’un nombre de clients faible, souvent proche du million. L’adossement à une banque traditionnelle est ainsi rassurant pour tout le monde, à commencer par les actionnaires.
De fait, leur système d’information et leur organisation opérationnelle ne font pas toujours partie d’un socle neuf. Beaucoup partagent avec leur maison mère leurs équipes opérationnelles ou l’infrastructure informatique ou les budgets et les plans projets. Ce qui freine les évolutions technologiques et diminue la rentabilité.
Au contraire, d’autres ont construit un système d’information centré client. Elles deviennent ainsi des banques omnicanales. Leurs coûts d’infrastructures et d’innovation sont maîtrisés à un moment où les budgets se restreignent. Elles ont leurs propres équipes opérationnelles, notamment la relation client. Et souvent, elles ont porté auprès de leurs maisons mères les équipes de chat. Le back-office, en revanche, est plutôt mutualisé. Cette organisation en silo, avec des processus longs, abaisse la qualité de service et l’expérience client.
Des faiblesses qui sont une aubaine pour les Fintechs et les néo-banques
Les banques en ligne se distinguent par leur interface client, mais ont une fâcheuse tendance à recycler les vieilles recettes de leurs maisons mères. C’est à ce niveau-là qu’elles peinent à se renouveler, et qu’elles sont menacées.
Et c’est précisément là qu’un nouveau type de banques, qu’on appelle parfois les néo-banques, vient se positionner : des banques qui se veulent subversives, résolument centrées clients, et qui ambitionnent de « tout changer ».
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