Les handicapés rencontrent nombre d’obstacles pour trouver un emploi. La formation professionnelle est un moyen d’entrer ou de se réorienter dans le monde du travail. Pour les personnes en situation de handicap, elle représente également des enjeux d’intégration sociale. Robert Bourgeois est informaticien et formateur en informatique. Il forme des publics très divers, dont des personnes porteuses de handicap physique. Il apporte ici son témoignage.
Les handicapés veulent sortir du statut d’assisté
Les personnes en situation de handicap qui suivent une formation professionnelle n’ont pas comme unique objectif l’obtention d’un emploi. Elles visent également une intégration sociale. Elles veulent sortir de chez elles, nouer des relations professionnelles et sociales comme tout le monde. Certaines se sentent un peu coupées du monde. D’autres ne supportent plus leur statut d’handicapé.
Beaucoup souhaitent endosser un rôle social autre que celui de l’indemnisé et de l’assisté, quitte à perdre leurs indemnités d’handicapés. Suivre une formation professionnelle est une voie pour atteindre ces buts.
Ces formations, financées par l’Agefip et les sociétés qui embauchent les futurs informaticiens, s’adressent à des personnes qui deviendront des développeurs en informatique. Etant donné le manque d’informaticiens en France, c’est une chance pour entrer dans une entreprise.
Une volonté de fer
Cependant, venir aux formations peut être un épuisant parcours du combattant. En dépit des efforts récents pour adapter les transports en commun de la région parisienne, il reste difficile pour une personne en situation de handicap de prendre le métro et le RER. Qu’on pense aux longs couloirs, aux successions d’escaliers, aux quais qui ne sont pas au même niveau que la rame, etc.
Autant d’opérations périlleuses en fauteuil roulant ou en béquilles. Alors les autres passagers les aident, parfois avec des accidents. Car, mal portés, les handicapés chutent. Et que dire des trottoirs encombrés, des toilettes ou des restaurants inadaptés ? Quant à trouver une place pour se garer, il y a certes les espaces réservés, encore faut-il qu’ils soient assez grands pour sortir le fauteuil aisément.
Les soucis administratifs constituent une seconde source de tracas. Comme les étudiants changent de statut – de handicapés, ils deviennent travailleurs handicapés – ils doivent entamer des démarches administratives. Elles sont souvent lourdes et longues. Cette lenteur peut entraîner des situations inextricables. Par exemple, les frais de formation arrivent tardivement, donc ils manquent d’argent. Par conséquent, ils ne peuvent payer la formation et parfois deviennent interdits bancaires. Ce sont de nouvelles fatigues qui s’ajoutent à la charge de travail.
Des formations d’ingénieur de haut niveau
De ce fait, on aménage les salles de formation avec du matériel adapté : écran, bureau ; on apporte également une aide ponctuelle pour manger, s’hydrater, recevoir des soins. Ces aménagements servent à corriger les handicaps physiques : infirmité d’un membre, déficiences visuelles, acouphènes (le son étant trop douloureux, ces personnes ne peuvent discuter avec autrui), etc. Les troubles psychologiques, provoqués par des traumatismes, se manifestent mais plus rarement.
Certains, pour compenser leur handicap, font preuve d’une incroyable dextérité. L’un d’eux, presque aveugle, afin de mieux voir ses lignes de code, les écrivait sur plusieurs fenêtres. Quand il codait, il passait d’une fenêtre à l’autre à une vitesse inouïe.
Toutefois, les formations dispensées suivent le programme classique. Les contenus ne sont pas adaptés en fonction du handicap. Cette formation d’ingénieur en développement informatique demande un niveau d’étude élevé. Elle est intense et longue : trois mois, sept heures par jour. Elle requiert au minimum le bac, et la plupart des étudiants possèdent un master, certains en ont même trois, il y a parfois des doctorants.
Plus rarement, les connaissances en informatique se limitent à de la bureautique. Dans ce cas, les efforts à fournir sont plus importants : l’assimilation des apprentissages est plus lente et plus difficile, et l’étudiant manque d’autonomie.
L’atout des handicapés : la motivation
Pendant la formation, l’ambiance est particulière. Malgré les difficultés des transports évoquées plus haut, les étudiants arrivent à l’heure, souriants et partants pour une journée de travail à haute dose. Une chose qu’on ne voit pas chez les valides. Pendant les cours, ils restent à l’écoute, attentifs, et ils participent.
Les relations humaines sont plus riches. A la suite des épreuves qu’ils ont connues, un accident, une maladie grave, ils relativisent beaucoup. Les échanges sont particuliers, faits d’expériences de vie et de connaissances. Et comme ils sont très motivés, c’est motivant pour le formateur.
Ces étudiants font preuve d’une ténacité impressionnante. Ainsi, la formation se termine par un projet sélectif et d’une difficulté élevée. Ce projet est tellement vaste que les élèves ne peuvent pas le terminer. Il est le même pour valides et handicapés. De tous les élèves, ce sont les personnes en situation de handicap qui s’y impliquent le plus, vont le plus loin et réalisent le plus de fonctions.
Leurs résultats se situent en haut de l’échelle. Ils les atteignent grâce à leur motivation, qui est leur véritable atout. Le potentiel intellectuel, ils l’ont. Ils ont un atout supplémentaire, leur motivation. C’est leur motivation qui fait qu’ils peuvent être meilleurs que les autres.
Une intégration équivalente à celle des valides
A la suite de la formation, le taux d’intégration en entreprise est équivalent à celui des valides. Ils ont une période d’essai et bénéficient d’une adaptation de poste, ça peut être un écran ou un fauteuil spécial, parfois une assistance médicale toutes les trois heures avec un local aménagé.
Tout dépend des entreprises, de l’accueil qu’elles leur réservent et de la confiance qu’elles leur accordent. Selon la loi, elles doivent prendre un certain nombre de handicapés, en assurer le suivi, le coacher, l’intégrer à une équipe.
Mais ce n’est pas toujours le cas. Une personne porteuse de handicap peut se retrouver isolée, voire mal acceptée par l’équipe. Dans un contexte de pression, de manque de temps, d’aucuns ne lui font pas confiance ou la considèrent comme un poids.
Mais le plus souvent, l’accueil est préparé. Car il y a des sociétés qui sélectionnent les candidats à ces formations et s’engagent à les prendre après une période d’essai. Dans ce cas, l’intégration se passe bien, les résultats sont au rendez-vous. Il arrive que des entreprises se concurrencent pour recruter le même étudiant handicapé. Quand la loi de l’offre et de la demande se manifeste ainsi, à n’en pas douter, l’intégration professionnelle est réussie.
Ils ont un atout supplémentaire, leur motivation. C’est leur motivation qui fait qu’ils peuvent être meilleurs que les autres.
Photo du haut : Philippe Bourgeois et ses étudiants. ©Philippe Bourgeois. Toute reproduction interdite.