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L’open source : un moyen de s’affranchir des géants de l’informatique ?

Un informaticien open source code

L'open source doit son développement à ses nombreuses communautés, photo Alex Kotliarskyi/Unsplash

L’open source s’est imposé dans le paysage du développement informatique depuis une trentaine d’années. De nombreux logiciels open source sont mondialement connus et sont utilisés quotidiennement. Son mode de collaboration est bien différent que celui du logiciel propriétaire. Cependant, le rôle des grands acteurs de l’informatique en montre les limites. De ce fait, l’open source est-il un atout pour atteindre la souveraineté numérique de la France et de l’Europe ?

L’open source : une alternative au logiciel propriétaire

Le libre accès au code source d’un logiciel est la caractéristique fondamentale de l’open source. Les informaticiens ont le droit de le modifier, d’y apporter de nouveaux développements, etc. Cette initiative apporte un nouveau mode de collaboration entre développeurs.

En effet, les logiciels open source rassemblent des communautés, souvent de bénévoles, qui travaillent sur un même projet, auquel se joignent des entreprises et de nouveaux développeurs. Tous constituent un écosystème autour d’une solution numérique qui ainsi gagne de l’ampleur. Quand la communauté atteint une taille régionale ou mondiale, elle crée généralement une fondation, à l’instar de The Linux Foundation ou The Apache Software Foundation.

Cette collaboration est avantageuse pour la vitesse du développement, l’adoption de la solution, l’innovation, la maintenance, la cybersécurité, etc. Elle a donné naissance à une économie fondée davantage sur le service que sur le logiciel.

Les principes de cette informatique ouverte ont été décrits par l’Open Source Initiative qui en a formalisé la licence. Cette dernière se distingue de la licence du logiciel libre, fondé par Richard Stallman. Le célèbre informaticien donne au logiciel libre une vision plus éthique, centrée sur les libertés des utilisateurs des logiciels. Cette différence agite encore les débats entre spécialistes. Néanmoins, les applications libres sont souvent des applications open source. Les différences sont parfois ténues.

En revanche, tous deux s’opposent au logiciel propriétaire, qui ne diffuse pas son code source. Les grands acteurs de l’informatique en sont d’ardents défenseurs. Ce qui ne les empêche pas de concevoir leurs propres standards ouverts, comme Google Open Source ou IBM, ou d’en financer. Ainsi, la fondation Mozilla, créatrice du moteur de recherche Firefox, est-elle soutenue par Google.

Un modèle mis à mal par les grands acteurs de l’informatique ?

Cependant, la participation des acteurs du logiciel propriétaire aux projets open source pose plusieurs questions. Reprenons l’exemple de Google et de Firefox. Avec 65 % de parts de marché, Chrome domine le marché mondial des navigateurs. En finançant Firefox, n’est-ce pas une façon pour la firme de Mountain View d’échapper à la loi antitrust ? Certains spécialistes s’inquiètent également de leur influence dans les instances dirigeantes des fondations. Cette position leur permet d’orienter les décisions, de sorte que les standards ouverts ne gênent pas leurs intérêts.

En effet, les enjeux économiques demeurent omniprésents. La vive concurrence entre Microsoft et Sun, créateur du code Java, reste dans les mémoires. Certaines entreprises, commercialisant des solutions open source, profitent des développements de la communauté. Elles utilisent le travail des bénévoles, qu’elles ne rémunèrent pas, et en tirent des profits, qu’elles ne leur redistribuent pas. L’arrêt inattendu d’un projet open source par son développeur démontre le malaise de ces bénévoles non payés pour leur travail.

D’autres firmes utilisent du code ouvert, mais vendent leurs solutions avec une logique propriétaire. Ces dérives conduisent certains à dénoncer un pillage des logiciels libres par les multinationales de l’informatique.

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A gauche, le logo de l’April, à droite celui de Framasoft, deux associations qui défendent le logiciel libre, au centre, celui de l’open source foundation ; images de ces associations respectives.

L’open source une façon de gagner sa souveraineté ?

Malgré leurs liens, l’open source garde une indépendance à l’égard des fournisseur informatiques comme les Gafam. Plusieurs institutions y voient un moyen de reconquérir leur souveraineté numérique et de réduire leur dépendance. Ainsi, l’Union européenne promeut depuis au moins une résolution de 2015 l’utilisation des logiciels libres et open source. Elle met en avant plusieurs avantages :

  • le partage et la réutilisation des logiciels ;
  • la réduction du coût d’accès à ces solutions ;
  • la réduction du coût de possession ;
  • des rendements d’investissements supérieurs qu’avec les codes propriétaires.

La France est dans cette même recherche d’indépendance aux Gafam. Sa démarche s’inscrit de surcroît dans la numérisation des services publics. Les intérêts sont pour l’Etat français :

  • la transparence et la confiance des outils numériques utilisés par son administration ;
  • la facilité d’interopérabilité et de réversibilité ;
  • le renforcement de l’indépendance de l’hébergement des données et de leurs infrastructures ;
  • la diminution de la dépendance technologique, économique et stratégique.

Le Cigref souligne quant à lui les avantages opérationnels des programmes open source pour l’efficacité des développements des projets et l’organisation de l’entreprise : mutualisation et collaboration, innovation ouverte favorisée, délais de mise sur le marché réduit, agilité accrue, marge de manœuvre lors des négociations, etc.

Mais n’est-ce pas un peu illusoire ? En effet, qu’ils soient ouverts ou fermés, les standards informatiques sont pour la plupart américains, pas européens ni français. Si les programmes ouverts et libres atténuent l’influence des Gafam, ils ne la suppriment pas. Du reste, les habitudes et les écosystèmes sont difficiles à changer. Les revirements de la ville de Munich concernant Windows et Linux, le démontrent.

La souveraineté ne serait-elle pas une informatique européenne (code, infrastructure, logiciels, etc.) totalement différente et indépendante des principaux fournisseurs d’outre-Atlantique ? Python, crée par un le Hollandais Guido van Rossum, ou LibreOffice en France montrent cette voie.

Et vous, quel logiciel libre utilisez-vous, pensez-vous qu’il vous permette d’être plus indépendant ?

 

En remerciant Brewalan le Dru pour nos discussions et ses éclairages.