Coacher une start-up, c’est clarifier une vision, former une équipe agile et créer une communauté active. Jérôme Alexandre est coach agile, il accompagne les jeunes entreprises dans leur développement. Il nous explique ici son métier. Résultat de nos échanges.
Coacher une start-up et accompagner une vision
Mon accompagnement de coaching commence par une phase de découverte mutuelle, de connaissance entre mon client et moi ; elle peut durer deux heures. Durant cette première rencontre, j’explore également le projet entrepreneurial du client : d’où vient son idée, comment est-elle née, où en est-il de son développement… ?
Il est important de passer du temps à cette phase, car elle permet de collaborer ensuite sur des bases saines et de maintenir une compréhension mutuelle.
Bien souvent, les personnes que j’accompagne ont une expérience professionnelle. Ce sont d’anciens managers ou directeurs d’entreprise, certains sont en reconversion. Ils ont déjà créé une société et veulent en lancer une nouvelle.
Mais leur profil n’est pas vraiment technique. Ils ne sont pas au fait des innovations technologiques, voire ils les méconnaissent. Comme j’ai un passé de développeur web, je les conseille sur ces sujets techniques.
Finalement, en quoi consiste mon travail ? A faire exister l’idée de mes clients, à lui donner la forme d’un produit technologique qui apporte de la valeur aux utilisateurs. Je les accompagne donc à créer ce produit, à avoir une vision claire du couple produit-marché, à passer de 3 utilisateurs à 3 millions.
« Je tiens le rôle de directeur technique externalisé avec pour objectif de concevoir un produit aligné avec la vision de mon client. »
Quand le coach crée une équipe agile
La seconde phase est le recrutement d’un alternant. Le but n’est pas d’acquérir une main-d’œuvre à bas coût. Mais d’embaucher un jeune développeur acclimaté aux outils, aux pratiques et aux technologies récentes, quelqu’un qui se sente à l’aise avec ces nouveautés.
La curiosité est une qualité que je recherche également. Pour résoudre des problèmes, un développeur doit trouver des solutions sur des sites, des forums, des réseaux sociaux, et alimenter une veille constante. Bien évidemment, la maîtrise des méthodes agiles et du test and learn est un prérequis.
Il faut savoir que les technologies se renouvellent tous les dix ans à peu près. Le changement de génération se fait très rapidement. Un développeur senior avec dix ou quinze ans d’expérience n’est pas habitué aux nouvelles tech et méthodes de travail que maîtrise un alternant.
Par ailleurs, un jeune informaticien ne développe pas comme son aîné. Il code moins à la main et parle plutôt à des objets. L’intelligence artificielle est pour lui un outil familier. Avec une IA, il peut créer une application en deux semaines. Il y a trois ans et demi, le développement durait de six à huit mois. Le débogage est une étape qui a également disparu ou quasiment.
Je coache ce binôme et à nous trois, nous composons une équipe.
Qu’est-ce que coacher une équipe par itérations ?
Je rencontre ce binôme toutes les trois semaines. Cette période équivaut à un sprint en Scrum. Chaque session aborde un sujet différent qui répond à son attente. La plupart du temps, elle se déroule ainsi :
- point sur les avancées du projet ;
- valorisation des succès ;
- questions sur les blocages, les erreurs, les bugs ;
- recherche de solutions : techniques, mise en relation, financement, veille technologique.
Ces sprints structurent la démarche et correspondent à une nouvelle version du produit. Le délai donne le temps de recueillir les commentaires et les critiques des utilisateurs, qui alimenteront les nouveautés et les corrections. Ainsi le produit s’améliore régulièrement et reste vivant.
Je travaille en étant le plus efficient possible : communication avec l’équipe, gestion du temps, cadencement des versions, construction de la communauté.
Comment faire pour créer une communauté engagée ?
La construction d’une communauté est essentielle, surtout pour la phase de lancement de l’application. J’invite mes clients à assister à des conférences, animer un compte sur les réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn, Instagram, etc.), à construire une landing page de présentation du produit, et animer une newsletter destinée aux premiers intéressés.
Ainsi, une communauté existe avant la conception du produit. Mise au courant, elle l’adoptera rapidement. Les échanges avec elle ont trait aux problèmes que résout notre solution, les difficultés qu’elle allège. C’est une phase d’acculturation en amont, avant la sortie du produit.
Quand une communauté s’implique dans le projet, se sent concernée par son développement, il règne souvent un esprit de connivence. Une confiance s’installe entre elle et nous, ce qui est bon signe.

Les méthodes agiles sont pratiques pour le coachning d’équipe, photo : Paymo/Unsplash.
Conseils d’un coach pour développer une application en mode agile
Au bout de quelques sprints, notre équipe conçoit sa première version et teste une MVP auprès de sa communauté. A ce moment, le rôle de la communauté joue à plein. Car les premiers utilisateurs nous adressent leurs remarques, demandent des modifications, des ajouts ou critiquent une fonctionnalité inutile ou difficile à manipuler. Ils modifient, enrichissent, améliorent l’idée de départ. C’est une co-construction avec eux.
Ces échanges poussent les concepteurs de l’appli à tendre vers la simplicité. Une appli au fonctionnement simple est difficile à obtenir. C’est une leçon que j’ai retenue de mon passage chez Apple.
Les phases de tests se font également avec les utilisateurs. Quand j’interviens dans des entreprises plus importantes, je demande à des personnes des services RH, marketing, commerciaux, juridiques, etc. de tester l’application. Leurs retours sont précieux et aident à améliorer le produit.
Faire évoluer son application et anticiper
Une fois livrée sur les stores, l’appli rencontre son marché. On recueille davantage de commentaires, on échange avec de nouveaux utilisateurs. Les premiers euros arrivent également, qui selon les modèles d’affaires, viennent de la pub, d’un abonnement, d’une version freemium, etc.
Dès lors, il faut tout faire pour que l’appli soit vivante et évolue régulièrement, tout le temps. Cette évolution se fait selon :
- les possibles ;
- les innovations technologiques ;
- les comportements des consommateurs ;
- le contexte économique et social du moment.
C’est une forme d’anticipation, où il faut aller voir les utilisateurs, les interroger, les observer, « être dehors » pour les rencontrer. L’utilisateur est au centre de tout.
Coacher une start-up : les erreurs fréquentes à éviter
1. Un recrutement inadéquat. Les meilleurs profils ne sont pas forcément les plus brillants, mais les plus agiles, les plus curieux, qui savent se remettre en question, se démènent pour trouver des solutions et qui maîtrisent la communication en équipe.
2. Le respect du temps. La cadence de développement et des rendez-vous est de trois semaines. Quand cette cadence se relâche, c’est le signe qu’une problématique est apparue. Le binôme n’arrive peut-être pas à l’exprimer ou ne s’en est-il pas rendu compte.
3. La recherche de la perfection. Lancer une application achevée sur le marché, avec toutes ses fonctionnalités, est un mauvais choix. Car elle peut déplaire aux utilisateurs. C’est une perte de temps et d’argent. La recherche de la perfection est un leurre. Une appli n’est jamais parfaite. Elle se modifie constamment en fonction des demandes et commentaires des utilisateurs.
4. S’enfermer dans son idée. Certains dirigeants s’enferment dans leur idée de départ, et ne veulent pas la changer, en ne tenant pas compte de leur communauté.
5. L’absence de communauté. Ne pas construire de communauté avant de lancer son produit.
6. Le syndrome de la start-up. Une start-up obtient des fonds, des prêts, des subventions auprès de particuliers, de business angels, d’institutions. Cet argent finance le développement du produit, mais retarde sa mise sur le marché. Or, c’est le marché qui finance le produit. C’est un confort trompeur. Le temps de la recherche de financement, de la gestion de l’entreprise, prend le pas sur le temps du marché.
Et vous, avez-vous eu recours à un coach pour lancer votre entreprise ?